« Tout au milieu du monde » de Julien BETAN, Mathieu RIVERO & Melchior ASCARIDE

 

 

Quatrième de couverture : Un village prospère dont la relique sacrée pourrit. Un chamane vieillissant, qui n’attend plus ni visions ni voyages. Un espoir de sauver son peuple de la malédiction ; un ossuaire mythique, où vont mourir les géants. Pour le trouver, de bien étranges sentiers, à la lisière de la magie et du rêve.


Œuvre de fantasy où l’art pariétal côtoie chamanisme et aventure mythique, on s’évade dans la préhistoire et l’humanisme où les croyances et les rites initiatiques sont magnifiés et interprétés par les illustrations sublimes et intemporelles de Melchior Ascaride .

Un conte mystique, une quête initiatique, une aventure de fantasy sur fond de préhistoire ? Tout au milieu du monde est un peu de tout ça, un roman court, concis et efficace, qui prend racine dans ce que l’homme a de plus trivial.

La dent pourrit, mais Amouko sait d’où elle provient. Posma lui a parlé de la plaine des ossements, là où les géants sont allés mourir en silence. Là où il a trouvé ce crâne titanesque, parmi les carcasses blanchies. p.15

Un objet de culte qui apporte prospérité, abondance et fertilité au village des Yeravas, peuplade d’hommes et de femmes d’un ancien passé, que le chamane Amouko vénère à travers ses rites, ses chants, et ses sacrifices. Aujourd’hui pourtant, la relique est malade, contaminée par une pourriture qui ne cesse de s’étendre malgré les sacrifices plus nombreux, plus violents, plus sanglants. Le Chaman est inquiet, ce n’est pas un bon présage pour le village, qui accueille depuis peu la naissance de monstruosités, l’objet de culte doit être remplacé. Pour cela, il doit se rendre dans la vallée des os des colosses, c’est accompagné de son disciple Ushang et de la chasseresse Soha qu’Amouko se lance dans cette quête, orienté par les visions de Posma et de l’araignée blanche.

Esprits malins, mysticisme, croyances profondes et naturelles, chamanisme, peuple et village ayant foi en leur chaman, fécondité, fertilité, prospérité sont autant de notions évoquées au travers de cette histoire de fantasy pur pour alimenter des sujets plus actuels ; religion, relation filiale, transmission de la connaissance, ouverture d’esprit, cycle et changement climatique peut-être. On y trouve tous les ingrédients du genre fantasy, des personnages forts et marqués, dont les portraits sont dressés avec une empathie certaine et une individualité propre, Amouko, le chaman, est extraordinaire par sa force, ses convictions et son expériences spirituelle, il est cependant vieux, fatigué et inquiet de son devenir, Ushang, l’apprenti chaman, est moins vindicatif mais plus posé, calme et réfléchi, avec une soif profonde de connaissance et une envie de bien faire, Soha est la guerrière, forte, sûre d’elle et protectrice, un très beau personnage. Mais on a aussi une aventure épique au cœur de paysages accidentés où rôdent des créatures malfaisantes et surtout une quête, un objectif pour sauver des êtres innocents.

Le soleil, encore bas dans le ciel pâle, écrase déjà le paysage d’une lumière intense, trop blanche pour la saison. Sur les flots calmes ondulent des reflets aveuglants, l’atmosphère s’alourdit d’étouffants effluves. L’air salé, l’odeur chaude de la terre rouge, le parfum ambré de la résine ne parviennent toutefois à couvrir la pestilence émanant de la bête. p.7

Les auteurs, Julien Betan et Mathieu Rivero, se sont lancés dans un style poétique et imagé, c’est magnifiquement bien écrit, les mots sont choisis avec soin et usés à bon escient, dès les premières lignes, le lecteur sera emporté et complètement immergé dans cette œuvre atypique, originale et très réussie. Mais cela n’aurait certainement pas eu la même saveur sans le graphisme introduit ici. Savamment mélangé et trônant même au coeur du texte, l’écriture vient se greffer subtilement aux illustrations pour former un tout indissociable, belle idée !

Inspiré de l’art pariétal, Melchior Ascaride propose un visuel simple mais terriblement expressif ! Jouant sur la trichromie du noir, du blanc et du rouge, usant du symbolisme qui leur est associé, le noir pour la malédiction, l’ombre et le malheur, le blanc sur la luminescence, l’espoir et la pureté, le rouge pour le sang, la violence, les heurts et les épreuves que les personnages doivent traverser. C’est très efficace et les illustrations font partie intégrante de l’histoire, sans elles, elle n’est plus. Jusqu’à prendre le filon principal en fin de parcours, le lecteur aura alors tout son regard personnel pour interpréter le dénouement illustré uniquement des œuvres d’art de l’illustrateur.

Je comprends tes hésitations, mais il faut parfois se décider à agir. Ushang est un bon garçon – comme peuvent l’être les garçons de son âge – mais il est courageux. Amouko vieillit, il a peur de perdre son pouvoir ; il ne lui laisse pour l’instant que la place de béquille. Soha, quand tous les cycles des temps coïncident, vient celui du changement. p.29

En bref, un roman original et captivant, un bel ouvrage qui mêle habilement écriture soignée et imagée et graphisme hors du temps expressif pour conter une fable chamanique passionnante.

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5 commentaires pour « Tout au milieu du monde » de Julien BETAN, Mathieu RIVERO & Melchior ASCARIDE

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  4. John Évasion dit :

    Intriguant, et les illustrations magnifiques. Belle critique, je vais me pencher sérieusement sur l’objet.

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