« Moi, Peter Pan » de Michael ROCH

 

mpp_couv1 Quatrième de couverture : « – Tu pleures ?
Les montagnes sont bleues derrière ses yeux. Une couleur de pluie passée qui regarde, une fois au sol, le souvenir amer de son nuage.
– Peter, répète-t-elle, tu pleures ? »

Offrant une nouvelle vision du personnage, complémentaire et à la fois détachée de celle imaginée par James M. Barrie, Michael Roch revisite le mythe du garçon qui ne veut pas grandir.

Moi, Peter Pan est un roman contemplatif, onirique et d’une poésie saisissante à lire en empruntant le chemin vers la deuxième étoile à droite avant de filer tout droit jusqu’au matin…

— Avant propos —

Ce roman paraîtra le 22 février 2017 aux éditions du Peuple de Mü et il mérite une très grande attention. J’avoue, je l’attendais impatiemment depuis que Driss m’en avait parlé et posté quelques lignes, de quoi mettre en appétit la gourmande littéraire que je suis. Aussi quand Davy m’a proposé de me l’envoyer, évidemment, réaction digne d’une groupie, « oui, oui et oui, demande à un aveugle s’il veut voir ! », et vas y que ça saute dans la chaumière et que mon petit cœur s’excite à tout va… Ridicule, hein ? Pas trop mon genre en plus, mais là j’étais juste aux anges, pour le coup Davy avait fait ma journée ! Et franchement, je ne regrette pas et je vais tenter d’être digne du talent de Michael pour vous expliquer pourquoi…

— Chronique —

Au Pays Imaginaire, les gamins aux têtes pleines de poux et aux ventres gargouillant de bestioles qui grattouillent, vivent sous la houlette de Peter ou Pan, ancien Peter Pan, personnage ayant profondément changé depuis l’ouvrage original de James M. BARRIE. Le temps a filé, Wendy aussi, et des traces indélébiles ont profondément marqués Cocabanes et le clan des gamins pouilleux, orphelins, démunis aux réflexions qui agitent les neurones et surexcitent leur poux ou aux angoisses qui vrillent l’estomac et réveillent les petits morsures irritantes et démangeantes de petites bêtes vicieuses. Le décor est posé.

« Le tiraillement est fulgurant. Je revis tous mes jeux, mes courses, mes peurs, mes ennuis, mes tracas, mes erreurs, mes amoures, mes pertes, mes victoires, mes orgueils, mes attentes, mes désespoirs, mes échecs. Je suis en apnée, étouffé par toutes ces dents qui me percent la bedaine. » p.82

A l’appui d’expressions familières sortant de la bouche des enfants morveux, des descriptions crues et très imagées qui viennent très vite vous attraper pour ne plus vous lâcher, le tout magnifié par une écriture sublime, intelligente et poétique, riche et subjuguante, une composition littéraire digne d’un virtuose des mots, l’auteur aborde des thèmes qui parleront à tous et surtout, parle de nos peurs profondes : l’abandon, la solitude, la peur de la vie, la peur de ce qu’elle nous réserve, nous a pris, nous prendra.

« La nuit, il y a des ombres pleines de ténèbres qui apparaissent, se déplacent, s’étendent,et recouvrent tout comme une grande gueule, gourmande et lente. Les oiseaux sauvages cessent de battre leurs ailes, les grenouilles nocturnes se taisent parfois avec effroi, même les bêtes féroces grognent différemment. « On ne se sent plus du tout invincible », disait toujours Wendy. » p.43

Avec des mots d’enfants pour évoquer des thèmes complexes ou difficiles, et a contrario une richesse de vocabulaire incroyable pour parler simplement de certaines autres choses, l’auteur arrive, par exemple, à vous parler d’âme sœur lors d’une discussion entre Peter Pan et un crabe évoquant le cas d’un bâton. Un exemple parmi tant d’autre où l’auteur parle à l’enfant qui est en nous. La qualité d’écriture et le style surtout est superbe, le contraste entre le langage familier des personnages et l’écriture très belle, très riche et poétique de la narration est saisissant et bien dosé.

« Il couine et chiale en même temps, mugissant qu’il regrette, qu’il regrette tellement, qu’il ne voulait pas, qu’il fera tout autrement la prochaine fois, mais qu’il est déjà trop tard, qu’il devrait l’insulter, moi et ma gouaille, moi et mon sabre, moi et ma tignasse crade de poux et mon nez plein de morve. » p.96

Michael Roch est un écrivain talentueux, joueur de mots, riche d’un nuancier de vocabulaire fou, poète moderne aux métaphores fines, ça scintille, ça brille, comme la poudre magique de la fée clochette, elle nous permet de voler vers des réflexions et un pays imaginaire où les mots ricochent, foisonnent, balancent, et viennent s’harmoniser dans une composition poétique. Tout est que l’auteur use avec beaucoup de grâce et de subtilités de l’univers de James M. Barrie qu’il a vieilli, rendu plus mâture aussi, plus abîmé, plus conscient de certains aléas de la vie, offrant une évolution d’un personnage tout en nuance et valeurs humaines.

Le roman se compose de plusieurs chapitres, qui ne sont pas forcément en lien étroit les uns avec les autres, il ne faut pas y chercher une intrigue, plutôt une quête de soi par étapes à travers le personnage de Peter Pan qui évolue au gré de ces expériences, de ses multiples rencontres aux Pays Imaginaires entre ses bonheurs, l’amour de Lili par exemple, ses blessures, le départ de Wendy entre autre qui a entraîné une chute non négligeable du personnage et ses nombreuses interrogations, un « roman contemplatif » dit on dans la quatrième, un roman qui vient par petite touche vous faire réfléchir, limite philosophique, c’est aussi très intemporel, le temps s’arrête et le lecteur plane dans ce merveilleux univers onirique. Le seul défaut ? Mais pourquoi c’est aussi court !

Quand a l’objet, l’éditeur a fait un très bon choix en faisant de nouveau appel au talent de Naïky (Fanny Liaboeuf) qui signe une illustration très sombre avec un Peter en surbrillance sur fond mat et surtout un regard inquisiteur et introspectif, simple et efficace pour parfaitement refléter le contenu.

Pour la route et avant de clore cet avis qui s’enraille un peu trop dans les paillettes d’une certaine fée (à se demander si elle ne traîne pas au dessus de mon épaule…), une dernière citation issue du roman qui montre l’amour de l’auteur pour les livres :

« Ce sont les livres, je pense, qui se marquent le plus facilement – l’empreinte du temps, l’empreinte des autres, l’empreinte de soi-même. Elle est là, l’essence même de l’âme d’un objet. » p.60

En bref, il ne vous reste plus qu’à suivre le bon chemin, « vers la deuxième étoile à droite avant de filer tout droit jusqu’au matin » pour rejoindre Peter et les siens, et certainement plus encore l’enfant qui sommeille encore en vous.

Je remercie encore Davy et sa superbe maison d’éditions pour son très beau cadeau. 

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— Lu dans le cadre des challenges suivants —

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3 commentaires pour « Moi, Peter Pan » de Michael ROCH

  1. Ping : Les Aventuriales de Ménétrol 2017, c’est bientôt ! | Songes d'une Walkyrie

  2. Un K à part dit :

    Le « Mortal Derby X » de Roch m’avait fait très bonne impression. Ce que tu dis de celui-ci fait envie. Je vais le noter sur ma liste au Père Noël.

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