« Stolen » de Pascale PERRIER

 

Quatrième de couverture : Encore bébé, Joshua est retiré à ses parents aborigènes pour être confié à un couple de Blancs. Jusqu’à ses quinze ans, il grandit parfaitement assimilé, quand surgit brusquement Ruby, qui se présente comme sa sœur de sang. Pourquoi l’a t-on kidnappé ? La vérité est -elle préférable à l’inconnu ? Joshua se lance dans une quête de ses origines qui l’emmènera loin, sur les terres de ses ancêtres.


Un roman touchant qui embarque son héros dans une quête de ses origines et dans une crise de vérité au travers de l’outback australien aussi fascinant qu’inquiétant où culture, tradition, croyance et famille se mêlent dans une quête de soi. Le tout pour dénoncer le phénomène des stolen générations qui a existé en Australie.


Joshua est un adolescent élevé par un couple de blancs qui a perdu un enfant et qui a décidé d’en adopter un autre pour le remplacer. Joshua a toujours accepté cette situation, conscient de la chance de vivre sereinement et dans une famille aimante par rapport à d’autres « abos » non adoptés. Joshua est un peu trop clair de peau pour un aborigène et un peu trop foncé pour un blanc, aussi est-il toujours dans un questionnement identitaire incessant même s’il se considère davantage comme un « Aussie ». Élevé dans l’oubli de ses origines et de ses ancêtres, il connaît peu les us et coutumes des aborigènes, voire même porte un regard plutôt négatif sur ce peuple à la dérive. Il ne se vante pas de ses origines car il est plutôt bien intégré dans sa vie avec les blancs. Mais un jour, une jeune fille débarque dans sa vie, elle dit être sa grande sœur et elle va complètement « fracasser » son quotidien et ses certitudes. Des doutes apparaissent, une certaine distance se crée avec ses parents adoptifs et beaucoup de nouvelles questions sur son identité se posent. Il n’a pas d’autres choix que de suivre les idées de cette grande sœur qui en impose. Joshua va aussi se révéler plus effacé et être certainement le plus perdu dans cette quête d’identité qui n’est au début pas la sienne, mais plus que tout il voudra connaître la vérité.

Ruby, elle, a connu l’enfer des foyers ; la violence, le racisme et l’éducation difficile par des blancs. Elle a un caractère bien trempé, un certain charisme et impose une certaine force. Son teint est nettement plus foncé que son frère, ses cheveux épais et sombres, son visage porte la force de ses origines et ne trompe pas. Ruby est aborigène dans le sang et fière de l’être. Évidemment, ce sera celle qui sera la plus encline à retrouver sa famille perdue, à trouver une famille tout court, une quête d’amour filiale qu’elle n’a jamais connue et d’un peu d’apaisement dans une vie qui ne la ménage pas. Elle est d’ailleurs prête à beaucoup de choses pour retrouver ses parents quitte à prendre des risques inconsidérés.

Avec des tempéraments aussi différents, la relation entre le frère et la sœur ne sera pas forcément facile et celle tant attendue ; une éducation opposée, une différence d’âge qui fait que les souvenirs ne sont pas les mêmes, des incompréhensions aussi, des déceptions pour l’une, une grande déstabilisation pour l’autre. Ils décident pourtant de s’allier, d’apprendre à se connaître, de retrouver leur frère William et surtout leurs parents et les secrets de leur mise en foyer.

L’auteur dresse une peinture d’une période historique particulièrement sombre de la société australienne ; les blancs volaient les bébés aborigènes à leur famille, considérés comme arriérés et persuadés que ces « sauvages » ne leur inculquaient pas une bonne éducation. Ce sont ce que l’on appelle les stolen generations, symbole d’une période particulièrement horrible pour un peuple qui ne demandait rien d’autres que de vivre et qu’il ne faut pas oublier, des gestes qui ont certainement détruit la vie de milliers d’enfants qui n’auront pas eu la même chance que Joshua, celle d’être adoptée et d’être élevée dans une famille aimante.

On notera aussi cette culture du racisme profondément ancrée dans les mœurs des blancs (anciens colons) avec des idées reçues que même les aborigènes « citadins » ont parfois assimilé à l’image de Joshua par exemple ; l’aborigène est associé à l’alcoolisme, à la drogue et à la criminalité. Les aborigènes sont des membres d’un peuple brimé par les colons blancs qui rappelle évidemment l’histoire du peuple amérindien, une grande richesse de tradition, de croyance et de culture, à l’image de l’art pictural aborigène, un peuple écrasé par des volontés de pouvoir, de puissance et de conquête de colons blancs toujours prêts à faire preuve de force et de violence pour imposer ses propres idéaux et sa façon de vivre. Pourtant ici, la force de ce peuple prend un tout autre sens, il a beau être parqué, dénigré, marginalisé, sous-estimé, il en reste néanmoins très attaché à ce qu’il est au plus profond de lui-même. Une force que l’on découvre à travers un road trip fraternel, avec des descriptions sauvages, arides et rocailleuses du bush australien, l’image d’une Australie de l’intérieur, celle originelle, celle du cœur, celle des esprits, celle qui appartiendra toujours aux aborigènes.

Le tout est écrit avec une belle fluidité et une jolie plume, l’auteur n’hésite pas à multiplier les points de vue pour renforcer l’imprégnation du lecteur dans son histoire et celle de ses personnages, Joshua et Ruby en tête. Les chapitres sont courts ce qui accentuent le dynamisme de lecture.

En bref, un très bel ouvrage sur une tranche de l’histoire aborigène qui n’est pas très reluisante pour l’Australie blanche, des actes qui ont certainement abîmé la jeunesse aborigène de la fin du XIXème au milieu du XXème et surtout contribué à la déchéance de tout un peuple. Il est d’ailleurs intéressant que la réflexion soit menée par des personnages appartenant à cette jeunesse justement. Roman vivement conseillé !

Je remercie les éditions Actes Sud Junior pour l’envoi de ce roman.

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Un commentaire pour « Stolen » de Pascale PERRIER

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